Histoire Sécurité Sociale et des complémentaires
Le rôle majeur des syndicats dans la création de la Sécurité sociale et des complémentaires
La CGT a été à l’origine de la création de la Sécurité Sociale en 1945 et de la caisse de retraite complémentaire des cadres AGIRC en 1947 mais aussi de nombreuses mutuelles, caisses de retraites professionnelles, institutions de prévoyance et réalisations sanitaires sociales.
Ambroise CROIZAT, ancien secrétaire général de la fédération CGT de la métallurgie, et Ministre du Travail en 1945, a initié et dirigé la création de la Sécurité Sociale : assurance maladie, système de retraites et allocations familiales. En ruine après la seconde guerre mondiale, la France s’est dotée d’un système de sécurité sociale gérée par les salariés, dont les prestations seront progressivement élargies pour protéger les salariés contre les aléas de la vie, et bien sûr contre les risques professionnels.
L’Ugict-CGT a été à l’initiative de la création de l’AGIRC en 1947. Avant la création de l’AGIRC, les cadres étaient couverts par des systèmes de retraites par capitalisation. Leur intégration à la Sécurité sociale fut un élément déterminant dans la création d’un régime universel pour les salariés du privé et pour l’équilibre financier de celui-ci.
En contrepartie de leur rattachement à la Sécurité sociale, les cadres obtiennent la création d’une garantie prévoyance « 1,50 cadre » en compensation de la disparition des financements employeurs dus au titre des systèmes de retraite par capitalisation.
Au niveau de la retraite complémentaire, l’option de la solidarité avec l’ensemble du salariat a été retenue en choisissant de faire cotiser les cadres dès le premier euro lors de la création de l’ARRCO en 1961, et au-delà du plafond mensuel de la sécurité sociale, à l’AGIRC.
Au niveau des organismes complémentaires, le mouvement syndical a été l’origine de la création de nombreuses mutuelles et caisses de retraites professionnelles. La raison d’être de ces organismes était et reste encore aujourd’hui de répondre aux besoins de protection sociale complémentaire des salariés pour compléter les prestations de la Sécurité sociale, notamment pour les institutions de prévoyance couvrant le risque d’arrêt de travail et décès.
L’autre fondement de leur création est de couvrir et de s’adapter aux spécificités de branches professionnelles (nombres importants d’employeurs – parfois une centaine dans le secteur de la presse et du spectacle, capacité à accompagner une forte proportion de main d’œuvre immigrée et forte exposition aux risques d’accidents de travail et de décès sur le lieu de travail pour les salariés du bâtiments, besoin de fidéliser des travailleurs qualifiés et formés pour les cheminots…) ou tout simplement pour renforcer la cohésion d’une profession par une gestion de la protection sociale complémentaire par les pairs.
Le mouvement de concentration des organismes complémentaires et les liens financiers et partenariats croisés entre acteurs de différentes familles d’organismes complémentaires nous interrogent sur les conséquences des mutations auxquelles les représentants des organisations syndicales doivent faire face.
Bien qu’à l’origine de la création de notre système de sécurité sociale et de protection sociale complémentaire, le mouvement syndical est confronté aujourd’hui à un mouvement d’étatisation de la sécurité sociale, qui s’étend aussi sur la partie complémentaire (contrat responsable, paniers de soins ANI, « reste à charge zéro »).
Progressivement la gestion de la Sécurité sociale a été retirée aux organisations représentatives des salariés.
Au lendemain de la guerre, les organismes de Sécurité sociale sont gérés par des conseils d’administrations élus avec une forte prépondérance des syndicats de salariés qui représente 75 % des membres jusqu’en 1962.
À cette date, les ordonnances Jeanneney supprime les élections. Elles seront rétablies en 1983. En 1991, la Contribution Sociale Généralisée est mise en place, introduisant le début du processus d’étatisation de la Sécurité sociale en introduisant dans ses ressources une part de prélèvement obligatoire par l’Etat, remettant ainsi en cause une gestion de la Sécurité sociale par les représentants des salariés au titre des cotisations versées.
Puis, en 1996 le plan Juppé supprime à nouveau les élections et instaure le paritarisme abaissant la proportion d’administrateurs salariés au niveau des employeurs et accroît le rôle du Parlement chargé de définir et de voter la loi de financement de la Sécurité sociale.
Enfin, en 2004, une nouvelle réforme réduit les pouvoirs des représentants des salariés et renforce les pouvoirs du directeur générale de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) qui vide de sa substance le conseil d’administration, devenu « conseil de la CNAM » et diminuant encore la proportion des syndicats à hauteur d’environ 40 % des nouveaux conseillers.
Au niveau des organismes complémentaires, plutôt que de les intégrer purement et simplement dans la gestion de la Sécurité sociale, les gouvernements successifs décident de régir par une réglementation stricte le secteur des complémentaires.
Les complémentaires n’ont pas été intégrées à la Sécurité sociale car les gouvernements successifs ne voulaient pas faire entrer la part complémentaire dans le calcul des niveaux de prélèvement obligatoire de la France et potentiellement des 3 % de déficits publics définis par l’Union Européenne.
Au travers de cette réglementation, les organismes complémentaires sont strictement encadrés) au niveau de leurs possibilités de couverture via le contrat responsable qui a introduit des plafonds de remboursements et la généralisation de la complémentaire santé qui a créé des planchers de garantie dit « paniers de soins ANI », sous peine de sanctions financières pour les entreprises en cas de non respect.
Nouvelles normes européennes
De nouvelles normes européennes sont introduites en droit français, dont les directives Solvabilité 1et 2, accroissant les contraintes applicables aux mutuelles et institutions de prévoyance et les conduisant davantage à mettre en œuvre des pratiques concurrentielles pour survivre et absorber les organismes de taille plus modeste. Les contraintes réglementaires ont contraints les mutuelles et institutions de prévoyance à adopter les mêmes pratiques que les compagnies d’assurance. Une certaine tendance à la banalisation s’est engagée.
Globalement, le reflux du poids des organisations syndicales pose la question de la pertinence d’une gestion par les acteurs sociaux et des possibilités de proposer demain des solutions à de nouveaux besoins auxquels la Sécurité sociale n’est pas en mesure de répondre à ce stade.
C’est dans ce contexte de réduction du rôle et de la place du mouvement syndical, et par répercussion du paritarisme, que doit s’appréhender les débats de cette journée sur « les évolutions à venir dans le paysage de la prévoyance complémentaire » et sur « la gestion de la protection sociale et de ses enjeux ».