Le paiement du travail est-il trop élevé en France ?
Payer un salarié coûte-t-il-trop cher en France ? A force d’entendre que le coût du travail est trop élevé en France, de nombreux salariés sont perméables à cette idée.
Méfions-nous des statistiques
Le calcul, retenu généralement pour obtenir le coût du travail, est la somme du salaire (y compris primes, épargne salariale, etc) et des cotisations sociales, divisée par le nombre d’heures travaillées. Mais toutes les études n’intègrent pas les mêmes critères et biaisent les comparaisons. Ainsi, l’institut patronal Rexecode a travaillé son propre indice en intégrant les jours de congés et de RTT.
Si l’on se réfère à Eurostat, le coût horaire moyen d'un salarié du privé en France est de 36,5€ contre 26,6 € en moyenne pour les pays de l’Union Européenne. La France fait partie du peloton de tête, derrière le Luxembourg, le Danemark, la Suède et la Belgique. Doit-on pour autant s’aligner sur la Bulgarie dont l’indicateur est sept fois inférieur à la France ?
De plus, les moyennes sont trompeuses. Elles cachent des disparités selon les secteurs économiques. Dans les services marchands, le “coût du travail” en France est plus élevé qu’en Allemagne. Mais dans l’industrie, c’est l’inverse ! Dans les faits, l’évolution du “coût unitaire du travail” en France a suivi l’évolution de la moyenne européenne.
Derrière le “coût”, la protection sociale
Derrière la chasse au “coût” du travail, le patronat cible les cotisations sociales qualifiées de “charges”, pour mieux s’y dérober. Ce calcul affaiblit le système. Mais, même fragilisé, le système de protection sociale a favorisé une prise en charge collective de la pandémie et ses conséquences : chômage partiel, gardes d’enfants, arrêts maladie, tests et vaccins... Au delà de son rôle incontournable en temps de crise, le système de protection social français a prouvé son efficacité ses 75 dernières années... même pour les employeurs.
La démocratisation de l’accès au système de soins, a amélioré la santé des salariés, les rendant plus productif ! Le patronat en fait d’ailleurs un argument pour repousser l’âge de départ à la retraite.
Au delà du “coût”, parlons productivité...
L’instrumentalisation du “coût du travail” tourne le dos à la productivité, c’est à dire le rapport entre la production et les moyens ( heures de travail et outils ) utilisés pour la créer. Des salariés qui, à première vue, coûtent « plus chers », produisent plus, plus vite et de meilleure qualité. Aujourd’hui, les salariés français sont parmi les plus productifs de la planète.
Selon une étude de l’OCDE, un salarié français produisait en moyenne plus de 60 euros en une heure, soit quinze fois plus qu’un ouvrier au Bangladesh ! Et si la progression de la productivité des travailleurs français tend à ralentir, la tendance s’explique d’abord par le retard des investissements dans les nouvelles technologies et dans la formation.
... et reconnaissance de l’utilité sociale
Au delà de ce que le travail créé comme richesse, la crise sanitaire a fait émerger la question de la reconnaissance de l’utilité du travail. Comme le soulignait déjà la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 “ les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.” Mais généralement, ses activités indispensables à la société dégagent pas ou peu de richesses financières selon les critères de rentabilité du système capitaliste.
La qualité du travail d’une infirmière par exemple, dépend aussi du temps qu’elle y consacre. Or, aujourd’hui, le salaire est inversement proportionnel à l’utilité sociale. D’après le travail de l’Institut des politiques publiques, à mesure que le salaire horaire augmente, la proportion de salariés travaillant dans un secteur classé comme essentiel durant le confinement diminue.
Et si on parlait coût du capital ?
Marotte des politiques libérales, la modération salariale profite avant tout aux actionnaires sans retombées pour l’investissement et l’emploi. La France est championne du monde en versement de dividendes ! Alors que la part de la valeur ajoutée réservée à la rémunération du travail diminue, les entreprises versent près de 5 fois plus de dividendes aujourd’hui par rapport à il y a 40 ans. Une progression constatée même lors des années de crise.
Pour la CGT, il faut s’attaquer au coût du capital pour sortir de l’impasse économique et sociale en augmentant les salaires !